Des idées reçues sur l’histoire du mariage
En présentant son projet de loi à l’Assemblée nationale, le 28 janvier dernier, Mme Christine TAUBIRA, Garde des Sceaux, a commencé par revenir sur l’évolution du mariage. Une longue histoire qui mérite quelques mises au point avec l’aide d’Agnès WALCH
1 - À l'origine, le mariage est une institution reIigieuse.
FAUX. Le mariage a toujours été quelque chose de sacré car il reste lié à la reproduction. Mais il préexiste dans 5 sociétés antiques. Les chrétiens lui ont naturellement ajouté une dimension religieuse. Au Moyen Âge, l'Église a récupéré l'administration civile du mariage parce que les sociétés ne pouvaient plus payer de fonctionnaires. La naissance d'États nationaux, avec une administration étoffée, a permis de prendre en charge les individus et de récupérer cette tutelle sur les questions d'état-civil dans un mouvement de sécularisation général.
2- Le christianisme a transformé le mariage.
JE DIRAIS PLUTOT OUI. Le christianisme a imposé la monogamie et le mariage indissoluble. Il a inscrit le « oui » dans l'éternité mais ne lui a pas donné plus de sacralité. Sous le régime romain, il existait un droit au divorce et différents types d'unions. Le mariage restait exclusivement réservé aux citoyens. Les autres avaient des unions de sous-catégorie qui ne donnaient pas les mêmes droits aux enfants. Le mariage chrétien a été un formidable outil d'évangélisation. Il est le même pour tous, quelle que soit sa condition sociale.
3 - L'Église a favorisé la liberté de l'engagement.
VRAI. L’Église a toujours préféré que les gens se marient plutôt que d'avoir des relations sexuelles hors mariage. Elle a donc favorisé le consentement des jeunes gens d'une manière très nette avec la possibilité d'accepter ou de refuser. Il fallait aussi permettre à certain d'entrer dans les ordres sans que ce soit forcément la famille qui décide. Dans le sacrement du mariage c'est le « oui » échangé à haute et intelligible voix qui est important. Avant, c'était la main de la jeune fille qui était donnée par le père au garçon.
4 - Les familles recomposées constituent une nouveauté.
ABSOLUMENT FAUX. Autrefois, c'était la mort qui rompait les unions et les remariages étaient fréquents. On estime qu'au XVIIIe siècle, à l'âge de quinze ans 5% des enfants étaient orphelins de père et de mère et 20% avaient perdu l'un de leurs parents. Aujourd'hui, les enfants sont plutôt des orphelins de divorce. Vingt-quatre pour cent des enfants ne vivernt plus avec l'un de leurs parents, une proportion très proche de celle de l'Ancien Régime.
5 - Autrefois, il y avait surtout des mariages arrangés.
FAUX. La forme de mariage qui affectait le plus de personnes dans la population permettait un choix du conjoint plus libre qu'on ne l'imagine. Légalité d'âge était de mise et favorisait une certaine émancipation féminine. Ce modèle prévalait chez les paysans et les ouvriers d'avant la révolution industrielle. Tout l'inverse des alliances nobiliaires qui se transformeront plus tard en mariage bourgeois. Mais il faut reconnaître que les gens n'avaient pas beaucoup de choix. Sur une même tranche d'âge, à condition sociale équivalente et dans un périmètre géographique limité, on estime qu'il y avait cinq ou six filles qui pouvaient correspondre. Le mariage restait une nécessité économique. Si l'amour n'était pas encore un critère de choix, il n'était pas du tout exclu.
6 - Sous l'Ancien Régime, le monopole de l'Église sur le mariage excluait les non-catholiques.
NON CE N'EST PAS VRAIMENT ÇA. En France, l'Église exerçait de fait une tutelle sur le mariage parce que l'État n'avait pas les moyens d'administrer cette réalité sociale. Ensuite, les non-catholiques n'existaient quasiment pas : les minorités n'avaient pas d'existence légale et restaient très peu nombreuses. Les protestants n'avaient pas droit de cité entre la révocation de l'édit de Nantes et 1787, date à laquelle on reconnaît leurs mariages et on leur donne le droit d'avoir un état civil. Pour les juifs, ils bénéficiaient d'un certain nombre de privilèges là où ils étaient tolérés et pouvaient se marier selon leurs coutumes.
7 - Il a fallu attendre la Révolution française pour que l'État légifère sur le mariage.
FAUX. En France, l'État s'intéresse au mariage des enfants de famille dès le XVIe siècle. Pour les nobles, il rigidifie les règles matrimoniales en rendant le consentement des parents obligatoires et en augmentant le nombre de témoins. Comme l'Église disait : « Mariez-vous c'est le plus important », on a voulu permettre aux familles de s'opposer si les intérêts patrimoniaux ou familiaux n'étaient pas suffisamment défendus dans telle ou telle union. Louis XlII a légiféré sur le sujet avec le traité de Saint-Germain en 1639, Louis XIV a fait la même chose. Cette tendance s'est développée au moment où l'État devenait plus fort.
8 - En 1792, le mariage civil a créé une rupture.
VRAI. Oui c'est vrai dans la mesure où il fallait passer à la mairie avant d'aller à l'église. Mais dans son rite le mariage laïc s'est beaucoup inspiré de la liturgie sacrement : il y a la publication des bans, l'échange des consentements, le sermon avec la lecture des articles du code civil… La finalité reste la même c'est-à-dire la procréation. En revanche, on allège les règles relatives à la consanguinité qui étaient devenues tentaculaires. L'autre nouveauté de la Révolution, c'est l'instauration du divorce qui signe la fin mariage indissoluble.
9 - Le code civil a favorisé l'émancipation des femmes
FAUX. Le code civil a été catastrophique pour les femmes. Auparavant, leur condition n'était peut-être pas très favorable mais cela était vécu de façon souple et modulable. Cette liberté s'est trouvée considérablement réduite quand la loi est venue fixer les choses. La femme considérée comme une mineure à vie, au même titre que les enfants ou que les fous. Elle ne possède rien en propre et n'a pas d'autorité légale sur ses enfants. Le code civil consacre l'organisation patriarcale de la société.
10- Le mariage traditionnel c'est le mariage bourgeois.
C'EST COMPLETEMENT FAUX. Le mariage bourgeois est un modèle récent issu de la Révolution française. C’est un mariage de convenance, arrangé entre les familles dans lequel le patrimoine passe avant tout. La mère ne travaille pas et les enfants ne sont pas si nombreux que cela. Il y a un principe d'autorité patriarcale. Les désirs de la collectivité familiale l'emportent sur les désirs des individus. C'est tout ce que mai 68 va faire exploser.
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