Circulaire au sujet du signe de la paix
Présentation du cardinal Antonio LLOVERA, préfet de la Congrégation pour la liturgie
Voici la circulaire publiée par la Congrégation pour le Culte divin et la discipline des Sacrements. Elle nous rappelle le sens du geste de paix au cœur de l’Eucharistie.
1. « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » ;1 par ces paroles, Jésus, avant d'affronter la passion, promet le don de la paix à ses disciples réunis au cénacle, pour imprimer dans leur cœur la certitude joyeuse de sa présence perpétuelle. Après sa résurrection, le Seigneur accomplit sa promesse en se tenant au milieu eux dans le lieu où ils se trouvaient par peur des Juifs; il leur dit : « Paix à vous ! »2 La paix est le fruit de la rédemption que le Christ a apporté au monde par sa mort et sa résurrection ; elle est le don que le Christ ressuscité continue encore aujourd'hui à communiquer à son Église réunie pour la célébration de l'Eucharistie, afin qu'elle puisse en témoigner dans la vie de tous les jours.
2. Dans la tradition liturgique Romaine, le signe de la paix, qui se situe avant la Communion, comporte une signification théologique particulière. De fait, il se réfère à la contemplation eucharistique du mystère pascal - différemment des autres familles liturgiques qui s'inspirent du passage de l'évangile de Matthieu (cf. Mt 5, 23) - et il se présente donc comme le « baiser pascal » du Christ ressuscité, qui est présent sur l'autel. Les rites préparatoires à la Communion constituent un ensemble bien structuré, où chaque élément a sa propre signification tout en contribuant au sens global de la séquence rituelle ; celle-ci converge vers la participation sacramentelle au mystère célébré. Ainsi, le signe de la paix se situe entre le Pater noster - auquel il est uni par l'embolisme qui constitue une préparation au geste de paix - et la fraction du pain - durant laquelle on supplie l'Agneau de Dieu de nous donner sa paix. Par ce signe, qui « a pour but de manifester la paix, la communion et la charité », l'Église « implore la paix et l'unité pour elle-même et toute la famille humaine, et les fidèles expriment leur communion dans l'Eglise ainsi que leur amour mutuel avant de communier au Sacrement » c'est-à-dire au Corps du Christ Seigneur.
3. Dans l'Exhortation Apostolique post-synodale Sacramentum caritatis, le Pape Benoît XVI avait confié à cette Congrégation la mission d'étudier sous tous ses aspects la question du signe de la paix,3 afin de protéger et de mieux mettre en valeur le caractère sacré de la Célébration eucharistique et le sens profond du mystère dans la Communion sacramentelle : « L'Eucharistie est par nature Sacrement de la paix. Cette dimension du Mystère eucharistique trouve dans la célébration liturgique une expression spécifique par le rite de l'échange de la paix. C'est sans aucun doute un signe de grande valeur (cf. Jn 14,27). À notre époque, si terriblement éprouvée par le poids des conflits, ce geste prend, même du point de vue de la sensibilité commune, un relief particulier en ce que l'Église considère toujours plus comme sa tâche propre, à savoir d'implorer du Seigneur le don de la paix et de l'unité pour elle-même et pour la famille humaine tout entière. [ ... ] À partir de tout cela, on comprend l'intensité avec laquelle le rite de la paix est ressenti dans la Célébration liturgique. À ce propos, durant le Synode des Évêques, il a paru toutefois opportun de modérer ce geste, qui peut prendre des expressions excessives, suscitant un peu de confusion dans l'assemblée juste avant la Communion. il est bon de rappeler que la sobriété nécessaire pour maintenir un climat adapté à la célébration, par exemple en limitant l'échange de la paix avec la personne la plus proche, n'enlève rien à la haute valeur du geste ».4
4, Tout en mettant en lumière le véritable sens du rite et du signe de la paix, le pape Benoît XVI a mis en évidence sa grande valeur, c'est-à-dire la contribution des chrétiens qui, par leurs prières et leurs témoignages, s'efforcent de remédier aux angoisses les plus profondes et redoutables des hommes de notre temps. Pour cette raison, il a renouvelé son invitation à prendre soin de ce rite, et à accomplir ce geste liturgique en faisant preuve de sens religieux et avec sobriété.
5. Conformément aux prescriptions du Souverain Pontife Benoît XVI, le Dicastère s'est adressé, en mai 2008, aux différentes Conférences des Évêques afin de recueillir leurs avis concernant le maintien du geste de paix avant la Communion, c'est-à-dire là où il se trouve actuellement, ou son transfert à un autre moment. II s'agissait de mieux mettre en évidence le sens de ce geste, ainsi que la manière de l'accomplir. Au terme d'un examen approfondi, il a semblé opportun de maintenir le rite de la paix à la place traditionnelle où il se trouve dans la liturgie Romaine, ce qui évite d'introduire des changements structurels dans le Missel Romain. Le Dicastère désire maintenant exposer ci-après quelques dispositions pratiques visant, d'une part, à mieux exprimer la signification du signe de la paix, et, d'autre part, à réglementer ses expressions excessives, qui provoquent la confusion dans l'assemblée liturgique avant la Communion.
6. Il s'agit d'un point très important. Si les fidèles ne comprennent pas et s'ils ne montrent pas, par leurs gestes rituels, qu'ils vivent conformément au véritable sens du rite de la paix, cela a pour conséquences d'édulcorer le concept chrétien de la paix et aussi de porter préjudice à leur participation fructueuse à l'Eucharistie. Ainsi, en plus des réflexions précédentes qui peuvent constituer le noyau d'une catéchèse sur ce thème, au sujet de laquelle on fournira quelques orientations, on désire présenter à l'attention avisée des Conférences des Évêques les suggestions pratiques suivantes :
a) Il est clairement établi que le rite de la paix possède en lui-même une signification profonde de prière et d'offrande de la paix dans le contexte de la célébration de l'Eucharistie. Lorsque l'échange de la paix est accompli de la manière qui convient entre les personnes qui participent à la Messe, le sens et l'expression du rite lui-même en sont enrichis. Par conséquent, il est très légitime d'affirmer qu'il ne s'agit pas d'inviter « automatiquement » à échanger le signe de la paix. Si on prévoit que celui-ci ne pourra pas être accompli d'une manière adéquate en raison de circonstances concrètes, ou parce qu'on estime que, pour des raisons pédagogiques, il est préférable de ne pas l'accomplir, on peut l'omettre et, parfois, il doit être omis. À ce sujet, on doit se souvenir de la rubrique du Missel : « Deinde, pro opportunitate, diaconus, vel sacerdos, subiungit : Offerte vobis pacem. »5
b) Sur la base de ces réflexions, il pourrait être bon que, par exemple, à l'occasion de la publication de la traduction de la troisième édition typique du Missel Romain dans leurs propres pays, ou bien, dans l'avenir, lorsque seront publiées de nouvelles éditions de ce même Missel, les Conférences des Évêques envisagent de changer la manière de se donner la paix, qui avait été établie en son temps. Ainsi, par exemple, en tenant compte de l'expérience de ces dernières années, dans tous les lieux où on a recours à des gestes familiers et à des salutations profanes, on pourra les remplacer par d'autres gestes plus appropriés.
c) De toute manière, il sera nécessaire que, au moment du signe de la paix, on veille à proscrire définitivement certains abus comme :
- l'introduction d'un « chant pour la paix », qui n'est pas prévu dans le Missel Romain.6
- pour les fidèles, le fait de se déplacer pour échanger entre eux le signe de la paix.
- pour le prêtre, le fait de quitter l'autel pour donner la paix à quelques fidèles.
- le fait que le geste de la paix soit l'occasion d'exprimer des congratulations, des vœux de bonheur ou des condoléances aux personnes présentes, dans certaines circonstances, comme, par exemple, à l'occasion des solennités de Pâques et de Noël, ou durant des célébrations de rites, comme le Baptême, la Première Communion, la Confirmation, le Mariage, les sacrées Ordinations, les Professions religieuses et les Obsèques.7
d) Toutes les Conférences des Évêques sont invitées à préparer des catéchèses liturgiques sur la signification du rite de la paix dans la liturgie Romaine, et sur la manière adéquate de l'accomplir durant la célébration de la Sainte Messe. À ce propos, la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements joint quelques orientations à la .présente Lettre circulaire.
7. La relation étroite entre la lex orandi et la lex credendi doit bien évidemment s'étendre à la lex vivendi. À notre époque, cela nécessite un engagement sérieux des catholiques dans la construction d'un monde plus juste et plus pacifique, qui doit s'accompagner d'une compréhension plus profonde du sens chrétien de la paix : cela dépend en grande partie de l'attention avec laquelle nos Églises particulières accueillent et invoquent le don de la paix, et l'expriment dans la célébration liturgique. Nous les encourageons et nous les invitons à agir résolument sur ce point, dont dépend la qualité de notre participation à l'Eucharistie, et l'efficacité de notre présence parmi les artisans de paix, selon l'expression des Béatitudes.8
8. En conclusion de ces réflexions, nous exhortons donc les Évêques, et sous leur autorité, les prêtres, à considérer et à approfondir le sens spirituel du rite de la paix durant la célébration de la Sainte Messe, dans leur propre formation liturgique et spirituelle, et dans le cadre d'une catéchèse appropriée destinée aux fidèles. Le Christ est notre paix,9 cette paix de Dieu, annoncée par les prophètes et les anges, et que Lui-même a apportée au monde dans son mystère pascal. Cette paix du Christ ressuscité est invoquée, annoncée et répandue dans la célébration liturgique, par un geste humain qui est élevé jusqu'à la sphère du sacré.
Cette Lettre circulaire, préparée par la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, a été approuvée le 7 juin 2014 par le Souverain Pontife François, qui a ordonné qu'elle soit publiée.
1 Jn 14,27.
2 Cf. Jn 20, 19-23.
3 Cf. BENOIT XVI, Exhor. Apost., Sacramentum caritatis, 22 février 2007, n.49, note n.150.
4 BENOIT XVI, Exhor. Apost., Sacramentum caritatis, 22 février 2007, n.49.
5 Missale Romanum, Ordo Missae, n.128 : « Ensuite, si cela est opportun, le prêtre ajoute: Offerte vobis pacem (Frères, dans la charité du Christ, donnez-vous la paix). »
6 Dans le Rite romain, il n'est pas prévu traditionnellement un chant pour la paix, mais un temps très bref destiné à échanger la paix seulement à ceux qui sont les plus proches. Le chant pour la paix, en revanche, exigerait un laps de temps beaucoup plus long pour l'échange de la paix.
7 Cf. Présentation Générale du Missel Romain. n.82 : « Il convient cependant que chacun souhaite la paix de manière sobre et uniquement à ceux qui l'entourent » ; n.154 : « Le prêtre peut donner la paix aux ministres, en restant cependant toujours dans le sanctuaire, pour ne pas troubler la célébration. Il fera de même s'il veut donner la paix, pour une juste cause, à quelques fidèles ».
8 Cf. Mt 5, 9 sv.
9 Cf. Ep 2, 14.
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