2015 - Tourisme et casino

Commission Tourisme et Casino… Pour quoi ? Pour qui ?

Rapport de la Commission Justice et Paix

26 avril 2015

 

La Commission diocésaine justice et paix a adopté lors de son assemblée du 16 avril 2015 le rapport présenté par la sous-commission Tourisme et casino concernant l'opportunité de mettre en place un ou des casinos en Polynésie dans le cadre du développement du tourisme. Ce rapport qui s'appuie sur de nombreux documents de références éclaire le débat du développement durable et humain de notre économie touristique. En voici une synthèse :

 

1. La Polynésie a-t-elle besoin du tourisme pour se développer ?

OUI, mais pas dans n'importe quelles conditions.

•  Le tourisme représente la première ressource économique du Pays : en terme de recettes touristiques, de nombre d'emplois directs et indirects et de PIB. Recettes touristiques : 41 milliards de F CFP, soit 37 % du total des exportations de biens et de services - Balance des paiements des transactions courantes positive de 27 milliards de F CFP (dépenses des touristes étrangers en Polynésie - dépenses des résidents en voyage à l'étranger) ;

-  2 700 entreprises (hôtellerie-restauration 2/3 des entreprises, transports 25 %, autres activités touristiques, culturelles, récréatives et sportives 7 %) ;

-  9 800 personnes (16 % des effectifs salariés).

•  Situation de notre tourisme

La fréquentation touristique a baissé régulièrement depuis 2008 jusqu'à 154 000 touristes en 2010, après un maximum de 230 000. L'année 2014 connaît un léger redressement.

-  La Polynésie est nettement distancée par : Hawaii 8 millions de touristes, Guam un million de touristes, Fidji 661 000 visiteurs (chiffres 2013).

-  Elle a de nouveaux concurrents dans le Pacifique : les îles Cook (122 000), les îles Samoa (126 000) qui accueillaient entre 4 et 3 fois moins de touristes que la Polynésie en 1990.

• Quels sont nos atouts ?

Les études de motivations et de satisfaction effectuées auprès des touristes (par l'ITSTAT) ont révélé qu'ils sont venus rechercher principalement la beauté de nos îles et l'authenticité de la culture polynésienne. Cette richesse est donc essentiellement d'ordre naturel, qui est fragile. Il faut donc la protéger et non la dénaturer avec des aménagements et des équipements disproportionnés.

NON, le casino n'est pas une bonne solution.

Ce n'est pas la présence d'un casino qui va inciter plus de touristes à venir en Polynésie. Ce n'est pas ce que les touristes recherchent.

Si le casino n'est pas destiné à accueillir des touristes étrangers, il est destiné à notre population qui souffre déjà du fléau des jeux et loteries officiels et clandestins (plus de 5 milliards de F par an). Car, sans le dire, il s'agit d'implanter des salles de bandits-manchots ou jackpot accessibles à tous (comme en Nlle-Calédonie 250 à 300 machines par salle). Un moyen de plus pour appauvrir nos familles en majorité modestes, et provoquer des drames sociaux qu'il faudra à notre tour soigner. Un casino est aussi un moyen de blanchir de l'argent sale (trafics en tout genre : drogue, prostitution, corruption...)

2. Quelles conséquences avec les grands projets dits « structurants » ?

Selon l'IEOM, « l'ampleur des projets considérés soulève des enjeux financiers et environnementaux et pose des défis de développement et de formation professionnelle. Ce changement d'échelle nécessitera également de pouvoir s'insérer dans les caractéristiques et l'image actuelles du territoire. »

•  Au niveau économique : le chiffre pharamineux de 350 milliards CFP est voisin du montant de la masse monétaire disponible en Polynésie (388 md CFP). C'est un nouveau CEP, mais avec l'arrivée d'entreprises étrangères, car les nôtres n'ayant pas la taille pour lutter (appel d'offres ouvert), l'arrivée de main-d'œuvre étrangère, notre main d'œuvre n'étant pas suffisamment nombreuse ou qualifiée. De plus, le Pays prend des mesures d'exonération de taxer douanières des produits importés par ces investisseurs, avec une contrepartie légère. Cela peut conduire à une forme de concurrence déloyale avec les hôtels et restaurants de la place et tous les importateurs locaux.

•  Au niveau environnemental : le seul projet du Mahana Beach entraîne un bouleversement total de l'écosystème du littoral, avec un remblai gigantesque sur le lagon avec des matériaux provenant de la destruction de notre environnement et entraînant des nuisances routières des moyens de transport. Il s'agit ensuite de subir la présence de tours de plus de 100m de haut défigurant le paysage de cette zone.

•  Au niveau humain : sommes-nous vraiment prêts à accueillir un tourisme de masse ? La réalisation de ces projets passe par l'expulsion de petits propriétaires qui n'ont pas les moyens de suivre les procédures judiciaires pour s'y opposer (exemple de Hawaii). Et l'on peut craindre qu'à l'avenir, lorsqu'il y a des types de « ghetto » touristiques qui se forment, des privatisation d'espaces lagonaires peuvent susciter des sentiments anti touristes plus ou moins violents par frustration et dépossession des biens traditionnels (seuil de tolérance).

3. Quelles formes de tourisme choisir pour la Polynésie ?

Aucune politique touristique n'a été définie et fixée clairement par les gouvernements successifs de la Polynésie. Il existe pourtant des pistes pour la fonder :

• Le tourisme durable,

Seul garant d'un véritable développement. Plusieurs études y ont été consacrés :

•  Le thème « Tourisme et biodiversité » de la Journée Mondiale du Tourisme 2010 proposée par l'ONU, est né d'une profonde préoccupation « pour les répercussions sociales, économiques, environnementales et culturelles dérivant de la perte de la diversité biologique ... la demande touristique se tourne de plus en plus vers les destinations de la nature ...

•  Le rapport sur le « Tourisme et développement durable en France » du Conseil économique, social et environnemental (CESE - du 12 novembre 2014) recommande de :

-  promouvoir un tourisme "au plus près des terroirs" par opposition à la concentration spatiale et temporelle du tourisme actuel

-  répondre à la diversité de la clientèle et développer un tourisme fondé sur les atouts des territoires.

• Le tourisme solidaire

Il met au centre du voyage l'homme et la rencontre, et s'inscrit dans une logique de développement des territoires. Une partie des bénéfices (ou une participation financière par voyageur) est reversée pour le développement de projets utiles à toute la communauté visitée.

Il s'agit, par ce biais, de créer un lien de solidarité entre les voyageurs et les populations visitées.

Cette vision du développement du tourisme correspond à la doctrine sociale de l'Église, dans la recherche du Bien commun.

L'Église part de la conviction qu'elle a elle-même « une responsabilité envers la création et doit la faire valoir dans la sphère publique aussi. Ce faisant, elle doit préserver non seulement la terre, l'eau et l'air comme dons de la création appartenant à tous, mais elle doit surtout protéger l'homme de sa propre destruction ».

Le Magistère insiste à plusieurs reprises sur « la protection de l'environnement constitue un défi pour l'humanité tout entière : il s'agit du devoir, commun et universel, de respecter un bien collectif ».

Pour cela, le tourisme doit être respectueux de l'environnement, cherchant à atteindre une harmonie parfaite avec la Création, pour que, tout en garantissant la durabilité des ressources dont il dépend, il ne donne pas lieu à des transformations écologiques irréversibles.

© Archidiocèse de Papeete  - 2015

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