Cybèle PRICHART : Bonsoir Père COTTANCEAU, vous occupez la fonction d’Administrateur Apostolique du diocèse de Papeete, le diocèse qui recouvre toute la Polynésie sauf les Marquises. L’Association 193 parvient à mobiliser autour de la question du nucléaire. À la tête de l’Association : Père Auguste et de nombreux fidèles catholiques. Est-ce que l’Église s’associe pleinement à la cause de cette association ?
Père Jean-Pierre COTTANCEAU : S’associe à la cause, parce que la cause mérite un investissement clair de la part de l’Église. Tout ce qui concerne l’homme, - l’homme et la femme -, mérite un engagement clair de la part de l’Église. Donc je peux dire que nous sommes, nous aussi, soucieux d’écouter la voix des gens qui souffrent, et le sujet que nous avons vu précédemment, nous le montre clairement. Nous ne pouvons pas rester sourd à cette souffrance, à cette détresse. Et l’Église doit pouvoir faire entendre sa voix dans cette recherche de justice.
Cybèle PRICHART : Alors concrètement vous allez vous prononcer à travers des textes… de quelle manière vous allez-vous prononcer ?
Père Jean-Pierre COTTANCEAU : Alors, il y a actuellement au service du diocèse, une commission qui s’appelle « Justice et Paix » qui a en charge de mener la réflexion sur les grands thèmes qui agite la société de notre Polynésie. Alors, certainement que la question des conséquences du nucléaire prend aujourd’hui une place prépondérante. Et nous préparons un texte dans lequel l’Église exprimera officiellement son point de vue, l’Église de Polynésie exprimera officiellement son point de vue.
Cybèle PRICHART : L’Église protestante Maohi c’est toujours positionnée contre les essais. Vous, vous dite ce soir que les catholiques aussi ?
Père Jean-Pierre COTTANCEAU : Ah bien, je crois que c’est non seulement la voix du diocèse, mais c’est la voix de l’Église.
Cybèle PRICHART : Vous avez écrit qu’un prêtre n’est pas un chrétien comme les autres et qu’il ne peut afficher son opinion politique. La prise de position de Père Auguste est-elle politique selon vous ?
Père Jean-Pierre COTTANCEAU : Je crois que le Père Auguste – j’ai eu plusieurs entretiens avec lui – Il m’a soutenu, il m’a dit clairement que l’Association 193 n’était pas politique. Et il m’a fait part à plusieurs reprises de son souci de bien garder cette identité apolitique. Alors je crois, que cependant, l’Église catholique encourage les laïcs à prendre leur place dans ce combat qui consiste à être du côté de ceux qui souffrent, de ceux qui sont victimes de l’injustice. Mais je pense que la place du prêtre, pour moi, et selon la théologie de l’Église, la place du prêtre est plus comparable à celle de l’entraîneur, si vous voulez. Dans une équipe de foot vous avez les joueurs et vous avez l’entraineur. Le jour du match, l’entraineur ne joue pas au foot, mais il est celui qui insuffle, qui donne le courage, qui unifie l’équipe et qui donne les directives afin que l’équipe puisse gagner. Ce n’est qu’une comparaison, mais si vous voulez je pense que, là, on peut retrouver quelque chose de la place du prêtre.
Cybèle PRICHART : Vous l’encouragez plutôt à se mettre en retrait ou continuer son combat comme aujourd’hui ?
Père Jean-Pierre COTTANCEAU : Je crois qu’il a une fonction de rassembleur. Et c’est la, à mon avis, qu’il pourrait y avoir des problèmes, des difficultés. Le rassemblement dans l’Église doit permettre à l’Église de garder sa cohésion. Mais en même temps de faire en sorte que l’on puisse parler d’une seule voix lorsque nous abordons les thèmes tel que celui que nous abordons ce soir.
Cybèle PRICHART : Dernière question. Les Associations ne se sont pas sentis respectées lors du passage de François Hollande. Le Haut-Commissaire vous a appelé. Il s’est plaint d’un mélange des genres. Que lui avez-vous répondu ?
Père Jean-Pierre COTTANCEAU : Alors, j’ai toujours favorisé le dialogue, tant avec le Père Auguste qu’avec le Haut-Commissaire. Et je lui ai exprimé mon avis, que la gestion du conflit concernant le Père Auguste relevait de l’Église. Cependant j’accueille quand même certaines de ses observations, lorsque ce dialogue devient difficile parce que le ton employé par l’un ou par l’autre devient - surtout je pense de la part de l’Association - devient irrespectueux.
Cybèle PRICHART : Vous appelez à la vigilance de ce côté là ?
Père Jean-Pierre COTTANCEAU : Je crois que si nous voulons garder l’esprit de l’Évangile nous devons rester respectueux de nos adversaires.
Cybèle PRICHART : Merci beaucoup, Père Cottanceau d’avoir accepté notre invitation ce soir.