ARCHEVÊCHÉ DE PAPEETE
TAHITI
Polynésie française
Papeete, le 3 juin 1968
à Monsieur le Président
de la République française
Charles de Gaulle
Monsieur le Président de la République, mon Général,
Avant de vous écrire directement j'aurais préféré auparavant rencontrer, lors d'un voyage qu'il devait faire en Polynésie au début du mois de mai, Monsieur le Ministre Maurice Schumann.
Depuis, bien des événements se sont produits en France ; ressentis profondément ici, nous espérons qu'ils trouveront leur issue normale dans les solutions que vous proposez.
Vos préoccupations, nous le savons, portent en cet instant sur des problèmes immenses et, de leur solution, dépend une fois encore le sort de la France.
J'ose cependant vous faire parvenir une requête et vous acquerrez vite la conviction qu'elle est absolument désintéressée.
Depuis l'année 1959, Pouvanaa a Oopa, ancien député de la Polynésie française est en exil en France : ses peines ont été réduites à une simple interdiction de séjour ; je crois que toute la Polynésie française vous serait reconnaissante d'un geste de clémence de votre part qui ramènerait le "metua" dans son pays natal, la Polynésie.
Je n'ai aucun mandat spécial pour faire auprès de vous cette démarche ; je n'ai consulté personne, je n'ai parlé à personne de ma démarche. Je sais que d'autres personnalités du Territoire, politiques ou non, ont réclamé le retour de Pouvanaa. Peut-être a-t-on trop pris en considération l'aspect politique de leurs démarches.
Il me semble que pour le bien actuel et à venir de notre pays, une mesure libérale et clémente, dont vous avez usé si souvent avec compréhension et miséricorde à l'égard d'autres personnalités françaises, serait comprise de la population.
Encore une fois, Monsieur le Président de la République, ne voyez dans ma démarche aucune passion, aucune manoeuvre, aucune légèreté, mais le simple désir d'un nouvel évêque de Papeete, consacré aujourd'hui même, d'alléger les souffrances d'un homme et d'aider à l'apaisement des esprits. C'est parce que mon devoir et mon coeur m'y poussent que je vous écris sans attendre plus l'occasion de vous rencontrer.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République et mon Général, l'expression de ma très haute vénération avec l'assurance de mes prières pour que vous trouviez force et lumière en ces heures si douloureuses pour vous et pour nous.
+ Mgr Michel COPPENRATH
Archevêque Coadjuteur et Administrateur de Papeete