« SOCIÉTÉ ET DÉVELOPPEMENT »
« Portez les fardeaux les uns des autres, accomplissez ainsi la Loi du Christ » (Gal 6, 2). Cet appel de l'apôtre Paul est toujours d'une grande actualité pour que chaque chrétien soit témoin des valeurs de l'Évangile dans la vie sociale, économique et politique, dans l'Éducation, les loisirs, le sport ou la vie professionnelle. Le Concile Vatican II nous le dit clairement : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de notre temps — des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent —, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ. Il n est rien de vraiment humain qui ne trouve un écho dans leur cœur. La communauté des chrétiens, rassemblée par le Christ et conduite par l'Esprit-Saint vers le Père, se reconnaît solidaire de tous les hommes » (G.S. n. 1).
Aussi, à la suite des deux premiers Synodes de 1970 et de 1973, et pour « marcher ensemble vers les autres », il nous faut placer la réussite des enfants, l'épanouissement des hommes et le bonheur des familles au centre du développement économique, social, politique, culturel de la Polynésie et de chacune de ses îles. « Être est plus important qu'avoir ; il faut souligner le primat de la personne humaine par rapport aux choses... même les plus parfaites » a rappelé Jean-Paul II (Travail humain, n. 12).
Chacun le sait, la Société polynésienne actuelle est à la croisée des chemins. Elle recherche son identité. Ses 190 000 habitants, dont 50 % de moins de 20 ans, sont à un tournant. Des choix fondamentaux sont à faire et à vivre. C'est la raison même de ce 3e Synode diocésain. Cet effort urgent rejoint les importants travaux de la Charte de l'Éducation qui situent l'enfant vivant en Polynésie au cœur du système éducatif. Il nous faut, tous ensemble, réconcilier la Polynésie avec elle-même, en donnant à chacun envie d'être et de réaliser.
Sans doute de nombreux équipements collectifs ont été entrepris, spécialement dans les domaines de l'Éducation, des communications, de la Santé, des constructions, du Tourisme. Il convient d'en souligner la qualité et d'en promouvoir la continuité. Mais cette croissance des biens matériels a hypertrophié le secteur Tertiaire administratif et commercial (71 %) au détriment des secteurs productifs Primaire et Secondaire.
Aussi regardons en face les faiblesses et les blocages de notre société actuelle : répartition injuste des richesses, privilèges d'une minorité, clientélisme politique, corruption, affairisme, culture du profit, spéculation, corporatisme, exode des archipels et urbanisation sauvage, consommation de luxe à côté d'un prolétariat qui s'installe, économie artificielle basée sur des transferts métropolitains entraînant une consommation démesurée sans production locale significative, poids excessif et néfaste de la fiscalité indirecte, croissance démographique mal maîtrisée, système éducatif mal adapté, protection sociale plus importante que le travail, unité des familles trop faible, manque d'honnêteté, de rigueur, de responsabilité, de contrôle...
On a trop confondu la croissance des choses et le développement des hommes. L'irruption brutale de la modernité depuis 1961 n'a pas été maîtrisée. La compétition individuelle centrée sur la course à l'argent est entrée en conflit avec l'harmonie conviviale traditionnelle. La loi du plus fort l'emporte sur les solidarités. La Polynésie est devenue une société à deux vitesses sans projet commun et avecde plus en plus de laissés-pour-compte en marge de tout.
Alors que proposer ? Ne faut-il pas définir le but de cette croissance des choses en mettant au centre de tout le développement des hommes ? Pour cela, il faut changer les esprits et les comportements, convertir les cœurs. Chacun est concerné ; car on ne peut exiger des autres ce qu'on refuse de faire soi-même. C'est la règle d'or de l'Évangile. Il convient donc de promouvoir, par la formation de chacun, une vraie culture de responsabilité et de solidarité selon l'attitude de Jésus : « Lève-toi et marche ».
La solidarité sociale au service d'un vrai développement humain demande efforts et sacrifices pour promouvoir le bien commun avant les intérêts particuliers des individus et des groupes. Il convient de favoriser l'initiative locale dans le cadre d'une planification décentralisée au niveau des communes et des archipels. Il faut privilégier dans des contrats de Plan d'ensemble, les investissements créateurs d'emploi sur la consommation individuelle. Il est urgent de refondre complètement la fiscalité pour rendre effective et personnelle la solidarité. Il convient d'harmoniser les rémunérations entre les secteurs et de promouvoir l'honnêteté par un contrôle strict de la gestion des fonds publics.
Le développement centré sur l'homme exige de promouvoir à tout niveau l'éducation des jeunes, la formation des adultes. Cela demande de remettre en honneur le travail manuel, de développer le sens de l'effort, de la persévérance, de la conscience professionnelle, de l'honnêteté.
Cet effort de formation pour tous demande de promouvoir un système scolaire pluraliste et pluriculturel centré sur l'enfant dans son milieu et ouvert au monde, pour permettre à chaque être d'épanouir ses capacités. Sait-on que chez les jeunes de 20-25 ans, 59 % des Chinois, 49 % des Européens, 30 % de Demis et 6 % des Maohi ont obtenu le baccalauréat ? L'enrichissement des cultures les unes par les autres la paix sociale et favorisera le développement de nos îles.
Dieu est espoir, un espoir créateur. L'Évangile est libérateur des cœurs et des énergies. « La Gloire de Dieu c'est l'homme vivant et la vie des hommes c'est de voir Dieu ». Concluons avec le Concile : « Dans la vie économique et sociale aussi, il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la société. C'est l'homme en effet qui est l'auteur, le centre et le but de toute la vie économique et sociale » (G.S., n. 63).
La Commission avec tout le Synode veut donc souligner la valeur et l'importance de toute fonction sociale, politique, économique ou éducative. Toute responsabilité dans la société doit être considérée par le chrétien comme un engagement et un service. Elle fait donc appel à l'énergie, à la conscience, a la constance de ceux qui décident actuellement et à la nouvelle génération pour que la « personne humaine » respectée en tous ses éléments permette à tous de promouvoir le bien commun.