PRESENTATION GENERALE DU SYNODE DIOCÉSAIN DE 1973
R.P. Paul HODÉE, Tahiti 1834-1984, Bar-le-Duc 1983, p.423-427
Le second Synode de l'archidiocèse de Papeete, lancé le 3 décembre 1972, a tenu sa session du 27 au 31 août 1973. Certains, particulièrement le « Monde des Jeunes » le souhaitaient dès la clôture du premier. Le Synode, selon l'étymologie, signifie faire « route ensemble ». Le premier était une innovation totale. Une minutieuse enquête socio-religieuse, animée par deux spécialistes : le chanoine Boulard et le P. Baronnet, l'avait préparé. Sept commissions avaient réfléchi, travaillé, émis des vœux. Autour du Conseil Pastoral directement issu du Synode, les objectifs prévus commencent à se réaliser. Si certains sont aisés à obtenir, d'autres se heurtent à de multiples difficultés : départ du P. Cochard, instabilité des jeunes, lenteurs inévitables, personnel restreint. Aussi, dans la ligne du Concile et « en vue d'une application plus exacte de l'Évangile à tous les aspects de la vie présente », Mgr Coppenrath convoque en réunion générale le Conseil Pastoral le 25 octobre 1972. Sur les 65 membres, 42 sont présents pour débattre la question du « lancement d'un deuxième Synode diocésain ». Les participants approuvant à l'unanimité l'idée et devant l'impossibilité de trouver un animateur extérieur - le P. Baronnet était retenu à Nouméa pour le Synode de Nouvelle-Calédonie - le diocèse décide d'entreprendre le travail par lui-même. Le but est moins la nouveauté que la « précision et l'approfondissement des orientations » du premier Synode dans un sens plus missionnaire.
Les trois étapes restent les mêmes : longue préparation pour une réflexion la plus large possible des fidèles, puis session d'approfondissement dès données recueillies et enfin formulation des vœux présentés à l'évêque pour l'aider dans l'organisation et la direction du diocèse. Mais les commissions sont réduites à cinq : famille, jeunes, catéchèse, développement et action des laïcs. Ce sont les Commissions qui sont responsables de leur travail ; ce sont leurs membres qui se déplacent dans les paroisses et les îles pour faire une préparation la plus étendue et la plus concrète possible. Elles ont jusqu'au 15 juin pour ce faire. Chaque commission aura une journée du Synode pour présenter son document, le soumettre à la discussion de l'assemblée, le corriger et présenter ses motions d'orientation pastorale. Une bonne trentaine de paroisses - soit les deux tiers du diocèse - ont travaillé pendant six mois à la préparation du second Synode. Plus de 600 délégués ont participé à la session du Synode, soit environ 115 votants dans chaque Commission. Le passage du cardinal Pignedoli au moment de la célébration du Synode a été apprécié comme un encouragement important.
La Commission de la famille a analysé les fiançailles comme temps fort pour préparer la vie du couple et découvrir le véritable sens de l'amour conjugal. Pour ce faire une préparation au mariage avec une information détaillée sur tous ses aspects doit encore être étendue. Dans la vie de mariage « un point fondamental a retenu l'attention : que le mari considère son épouse comme son égale et non comme sa "chose" et réciproquement ». Les participants ont réfléchi au drame de l'alcoolisme, au dialogue difficile par différence de religion, à la régulation des naissances, au budget familial. De même le sacrement de mariage a été approfondi. Aussi la Commission soumet-elle à l'assemblée qui les approuve, quatre vœux : l'organisation de soirées-débats sur le couple et la famille au niveau de chaque paroisse ; la formation d'animateurs de C.P.M. ; un budget de fonctionnement du C.P.M. ; la rédaction d'articles et la réalisation d'émissions dans les médias.
La Commission du développement a analysé quelques-unes des principales préoccupations issues des transformations de la Polynésie. L'alcoolisme est l'ennemi numéro un du développement et de la famille ; parfois plus de la moitié des maigres salaires y passe. La délinquance juvénile dans la zone urbaine se développe rapidement : désœuvrement, chapardage, « bringue des week-ends », fumeries. La grave question des emprunts, du crédit à tous les échelons, de l'absence de comptabilité dans beaucoup de familles, ce qui est lié au « désir d'épater les autres en ayant toujours les modèles nouveaux » ont été bien soulignés. Nous sommes ici devant une attitude profonde : la différence des comportements culturels devant la société de consommation. De même la Commission s'est penchée sur la préoccupante situation de l'emploi, de la formation professionnelle, de l'absence de soutien à l'agriculture et de politique cohérente et persévérante en ce domaine du secteur primaire pourtant si nécessaire. Les migrations des îles vers Tahiti, de plus en plus attractive depuis l'arrivée du C.E.P., le développement du tourisme ont été analysés selon un bilan nuancé des avantages (économiques, éducatifs, sanitaires) et des inconvénients (sociaux, moraux, coût de la vie, familiaux). Mais la grande préoccupation de la Commission « Développement » du Synode a été l'étude détaillée de la scolarisation en Polynésie par rapport à la promotion globale de l'homme. « L'école catholique est-elle suffisamment orientée vers le développement ? Est-elle soucieuse des plus défavorisés de la population ? Comment faire face à l'important échec scolaire des enfants polynésiens ? Quelles perspectives d'avenir, y compris une formation extra-scolaire ? » Pour terminer, la commission s'interroge sur l'esprit civique des Polynésiens. Elle constate que beaucoup d'habitants de la Polynésie cherchent surtout leur intérêt et profit personnels. Ils vivent du Territoire, mais le bien général de la Polynésie leur est assez indifférent. Aussi, dans la fidélité à l'action passée de l'Église qui a développé les archipels dans le respect de la personnalité maohi, la Commission propose au Synode la création d'un Comité diocésain pour le développement.
La Commission « Monde des Jeunes » fait le point des diverses réalisations depuis trois ans et approfondit la recherche du service de la jeunesse si complexe, mouvante et qui représente plus de la moitié de la population du Territoire. Elle analyse les mouvements de jeunes et constate que « dans les paroisses où ils existent, les jeunes sont assez satisfaits ». C'est la question des locaux qui se pose avec la difficulté permanente de trouver des animateurs vraiment responsables et formés. L'approfondissement de la foi et la difficulté pour la plupart des jeunes d'en percevoir le lien avec la vie retient l'attention des participants ; activités et Évangile sont trop souvent des réalités juxtaposées et séparées. Les relations avec la famille, toujours perçue comme ayant un rôle important à remplir vis-à-vis des jeunes, sont analysés dans le détail. Il en est de même des difficiles questions du travail et de l'emploi après la scolarité obligatoire jusqu'à 14 ans. La Commission soumet à l'assemblée synodale plusieurs vœux qui sont adoptés à la quasi-unanimité. L'A.M.D.J. coordonne les divers mouvements de jeunes au niveau diocésain et assure l'information, la formation et les rencontres. Les paroisses doivent favoriser la participation des jeunes aux diverses activités et mettre des locaux à leur disposition. Enfin l'Enseignement catholique, en lien avec les instances compétentes, est invité à favoriser les formations techniques pour les élèves en vue de l'emploi.
La 4e commission a pour objet « la catéchèse et l'animation spirituelle » ; immense thème qui regroupe tous les aspects de la vie chrétienne dans son caractère spécifique et son identité. Six groupes ont étudié la catéchèse dans l'enseignement catholique, la catéchèse en 6e, la confirmation et l'engagement chrétien, la participation des parents, le catéchuménat chez les chinois, l'animation spirituelle. De longues et minutieuses analyses et enquêtes ont été réalisées sur les divers aspects de la catéchèse diocésaine « renouvelée » depuis deux ans par le P. Paul Cochard. La nécessité de traduire en tahitien les principaux documents catéchétiques a été soulignée. La formation des parents et des enseignants à l'éducation de la foi est un souci primordial pour les participants. Mais la préoccupation première, la base indispensable à tout effort missionnaire est « l'animation spirituelle du Peuple de Dieu par l'éveil à la Foi, la catéchèse des enfants et des adultes, le ressourcement spirituel permanent ». C'est ce qui est retenu par la Commission et proposé au Synode avec des vœux pour le réaliser concrètement : traductions en tahitien, choix des enseignants catholiques, publications dans le « Semeur » et le « Vea ».
La dernière Commission traitait « l'action des laïcs dans l'Église ». Un plan-guide, rédigé en français et en tahitien, a servi de base à la préparation. Plus de 30 paroisses - les 13 de Tahiti et 17 dans les autres îles dont Tubuai et Gambier, sans compter celles qui ont pu participer par le questionnaire-radio - ont été directement touchées par la préparation ; cela représente 180 personnes en responsabilités diverses dans leurs paroisses. Si tous n'ont pas bien vu la différence entre fonction et service dans l'Église, c'est toujours par un motif surnaturel qu'on s'engage et qu'on est fidèle à la parole donnée. L'engagement se vit dans les « communautés de base », les « amuiraa » qui constituent ce qu'il y a de plus polynésien dans le diocèse. Cela suppose, pour éviter que quelqu'un d'influent s'empare du gouvernement, la précision et la diversification des fonctions ; cela favorise l'engagement personnel au sein des communautés. Le désir d'aide et de formation est souligné par tous les participants. De plus on constate l'apparition d'un œcuménisme pratique à la base, avec la disparition de l'agressivité et du complexe d'infériorité. Aussi la Commission analyse longuement l'« amuiraa » dans ses dimensions culturelle maohi, traditionnelle dans l'Église, missionnaire en milieu populaire et facteur d'unité. Elles recèlent un vrai « dynamisme ecclésial ». Dans cette ligne, la Commission soumet au Synode le vœu de réunir des « Congrès paroissiaux, de renforcer la formation des "katekita", de reconnaître ceux-ci comme ministres institués, de réorganiser les quêtes, de réadapter et réimprimer les livres paroissiaux de base : le "Raanuu" et le "Ui Katorika", Enfin il est demandé au Synode de constituer une "Association Familiale Catholique" pour la défense des intérêts matériels et moraux des familles ».
Dans sa déclaration du 26 août 1973, lors de la séance inaugurale du Synode, Mgr Michel, sous le thème « l'appel de Dieu », développe les divers visages de la vocation chrétienne dans l'Église en Polynésie. Il insiste sur les vocations ordonnées, consacrées et instituées en rappelant qu'il « faut des prédicateurs de l'Evangile en Polynésie. Or qu'en est-il actuellement ? 35 prêtres, 30 frères, 57 sœurs, 67 catéchistes : voilà ce dont dispose l'Église pour porter l'Évangile aux 80 îles qui forment le diocèse de Papeete. Il n'est pas étonnant que certaines îles ne voient le prêtre qu'une semaine ou deux dans l'année. »
On comprend que ce deuxième Synode, dans la ligne du précédent, dégage deux priorités pastorales d'ailleurs intimement liées :
- l'éveil et le soutien des vocations locales dans l'Eglise,
- la formation et l'animation des familles chrétiennes.