Pour les habitants de Tahiti, « Tepano » Jaussen est un homme historiquement important puisqu'ils ont souhaité donner son nom à la principale avenue de Papeete, celle où se trouve le gouvernement local. Les habitants sont capables de parler de lui. En Ardèche, cet enfant du pays est depuis longtemps tombé dans l'oubli.
Florentin Jaussen est né aux Périers, commune de Rocles dans les Cévennes ardéchoises le 12 avril 1815 dans une famille profondément catholique (trois oncles prêtres et deux tantes religieuses) du diocèse de Mende-Viviers. IIfait ses études à Mende sous la direction de son oncle, le révérend père Jaussen, et obtient son brevet d'instituteur. Cherchant sa voie, il semble tout d'abord s'orienter vers l'enseignement et est reçu bachelier ès lettres à Montpellier à une époque où les diplômes étaient rares. Le diocèse de Périgueux manquant de prêtres, il entre au grand séminaire local et est ordonné en 1840. Rapidement, il rejoint la congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie (Pères de Picpus) dont le noviciat est à Vaugirard où sont déjà engagés ses oncles, son frère aîné et dans la branche féminine ses tantes et deux de ses sœurs.
Dés 1845, il est envoyé à l'antenne chilienne de la congrégation à Valparaiso pour devenir professeur et maître des novices. Trois ans plus tard, en 1848, il est nommé évêque in partibus d'Axiéri et premier vicaire apostolique de Tahiti. La situation sur place n'est pas simple, l'île est sous la coupe du consul britannique, par ailleurs pasteur, qui n'a pas hésité à renvoyer pieds et poings liés les premiers missionnaires de la congrégation des Sacrés Cœurs et à faire passer les catholiques pour des anthropophages.
À son arrivée, monseigneur Jaussen décide de faire la conquête des enfants en leur enseignant le français. Pour cela, il se met à étudier le langage local et en devient le spécialiste incontesté. Les débuts furent laborieux et il fallut attendre 1860 pour que des résultats probants se fassent jour (50% de la population convertie au catholicisme). Aumônier de la flotte française de l'Océan Pacifique, il en profite pour installer des missions aux Tuamotu, aux Gambier et aux Iles sous le Vent où ceux-ci font reculer le paganisme local et les sacrifices humains. De 1855 à 1860, son projet de cathédrale lui vaut l'opposition des protestants puis du gouverneur local qui ramènera le projet à des dimensions plus modestes. Il convient de noter deux retours en France, en Ardèche et à Rocles en 1853 et 1861.