Mgr Rouchouze, vicaire apostolique de l’Océanie orientale.
À la demande du père Coudrin, Rome confie au Père Étienne Rouchouze1 l’évangélisation de l’Océanie orientale le 20 mai 1833. Le vicariat est forme des îles Gambier, de Tahiti, des îles Marquises et de Hawaï2.
Le 9 mai 1835, il arrive aux îles Gambier, un secteur vierge. Pionner de l’évangélisation, il commence par appliquer la méthode de « la table rase » en détruisant les idoles, afin que les « sauvage » perdent la confiance qu’ils placent en elles. « Nous avons brûlé, déclare-t-il le 20 avril 1836, plus de quarante statues. Il y avait des lieux sacrés dont les hommes n’approchaient que pour remplir quelque cérémonie religieuse, et encore en tremblant ; et les femmes jamais. Nous avons sacré (sic) tout cela ; et aujourd’hui le peuple est entièrement revenu de ses superstitions3. » En 1838, d’après les estimations de l’évêque, la mission de Notre-Dame-de-la-Paix atteint le nombre de trois mille baptisés4.
Il installe son « quartier général » dans la petite Akena, une île des Gambier. Là, ainsi qu’à la grande île, Mangareva, il lance la construction de deux chapelles qui sont achevées fin 1838. Ces chapelles s’inscrivent dans sa politique missionnaire : « Chez un peuple comme celui-ci, explique-t-il, il est presque toujours nécessaire de frapper les sens pour pénétrer jusqu’au cœur5. » Dans le même esprit, il solennise les fêtes importantes comme celle du saint-Sacrement de mai 1838, avec un parcours de la procession qui est jalonné de trois reposoirs « artistiquement disposés […] on peut dire qu’ils étaient magnifiques. Jardins babyloniens, obélisques, polygones6. » C’est l’aspect extérieur, destiné à capter l’attention des néophytes. Pour la christianisation plus en profondeur, Mgr Rouchouze fonde une école à Mangareva. D’autre part, il s’occupe de monter une imprimerie afin « d’imprimer bientôt les prières et les instructions les plus faciles et les plus nécessaires7 ».
Dès 1836, pendant qu’il évangélise les Gambier, il envoie deux missionnaires sonder l’île de Tahiti. C’est un échec, les protestants s’opposent à l’installation des catholiques8. Découragé, l’évêque ne tente plus rien pendant deux ans, estimant qu’il vaut mieux bien implanter le catholicisme aux Gambier, avant de songer à l’étendre. Cependant en 1838, ayant reçu un renfort de missionnaires, il décide de fonder un poste aux Marquises, situées au nord des Gambier, sur le dixième parallèle sud. La conquête des îles de l’Océanie orientale se poursuit. Les missionnaires débarquent aux Marquises, le 2 août 1838, rejoints par leur évêque le 21 janvier 1839. Il reste une année pour aider les nouveaux prêtres à s’installer et à asseoir la mission. Puis il se dirige vers les Sandwich et débarque à Honolulu le 13 mai 1840. Le gouvernement français a fait garantir la légalité de la présence des catholiques9. Le 6 août 1840, en la fête de la transfiguration, Mgr Rouchouze pose la première pierre de la future cathédrale.
Mais sa carrière s’interrompt brutalement. Au retour de sa tournée en Europe, en décembre 1842, le bateau qui transporte, outre l’évêque, six prêtres10, sept religieux11 et dix religieuses des Sacrés-Cœurs, sombre, corps et biens au large du cap Horn. En cinq ans il a jeté les fondements du catholicisme. Pionner du christianisme, il semble avoir réalisé une mission dont l’organisation se rapproche des réductions jésuites du XIIe siècle. En effet, à l’écart de la civilisation moderne et de la colonisation, il construit à Gambier une mission qui ne subit aucune contamination extérieure. Mgr Rouchouze évangélise l’île tout en laissant en place l’environnement culturel des habitants.
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1 Né à Chazeau dans la loire le 28 février 1798, il entre chez les Frères de Picpus, le 16 décembre 1817, grâce à son cousin. Ce dernier, le P. Régis Rouchouze, est un des premiers disciples du P. Coudrin, fondateur de la congrégation des Sacrés-Cœurs. Le jeune Étienne est nommé conseiller de la maison provinciale en 1820. En 1824, envoyé à Mende, il reçoit la charge d’économe et de professeur. Enfin, il devient directeur du collège. Voir la biographie d’Étienne Rouchouze par le P. André Mark, archiviste général de la congrégation.
2 Voir la carte du vicariat apostolique d’Océanie orientale, confié à Mgr Étienne Rouchouze (Annexe VII).
3 Lettre à son frère (Fr Anastase SS.CC.) du 20 avril 1836, îles Gambier, archives SS CC, Paris.
4 Ibid. Voir aussi la lettre à ses parents du 27 novembre 1837, îles Gambier, archives SS CC, Paris.
5 Lettre au P. Coudrin du 14 novembre 1837, Akena, archives SS CC, Paris.
6 Lettre de Mgr Rouchouze du 26 août 1838, archives SS CC, Paris.
7 Ibid., lettre du 14 novembre 1837 au P. Coudrin.
8 Ibid., notice du P. André Mark.
9 Des missionnaires avaient été envoyés aux Sandwich par les Sacrés-Cœurs avant 1835. Cependant ils se sont heurtés aux protestants qui les ont fait chasser. Ainsi, les PP. Bachelot et Short vivent exilés depuis le 24 décembre 1831 en Californie. Voir A. Mark.
10 Romain Lannes du diocèse d’Albi, Ignace Gonet du Mans, Marie-Xavier Daniel de Rouen, Laurent Roynel de Coutances, Grégoire Saunier de Tours, Gabrile Ciron du Mans, Stéphane Souffrain de Chartres (ce dernier est sous-diacre), Annales de la propagation de la foi, t.15, année 1843, p.168.
11 Séverin et Lucien Coulonges du diocèse de Cahors, Achille Bessy de Grenoble, Génulphe Gibergues de Cahors, Marie-Lacroix Houen de Metz, Cécilien Roconière de Cahors, Anselme Hujol de Tarbes. Ibid.