1933 - Histoire des colonies

Revue d’Histoire des Colonies n°91

Tome XXI – 1933

pp.229-230

GOYAU (Georges). - Les grands desseins missionnaires d'Henri de Solages (1786-1882) : Le Pacifique, L'Ile Bourbon, Madagascar. Épilogue par P. Lhande, S. J. - Plon, 1933 ; un vol. (12 X 19) de VIII-204 pages ; 15 francs.

Henri de Solages était un jeune prêtre, vicaire général de Pamiers. à qui ne suffisaient pas les tâches quotidiennes et modestes d'un ministère provincial ; celles mêmes d'un quasidiocèse colonial, la préfecture apostolique de La Réunion, à laquelle il fut appelé en 1829, étaient encore au-dessous de son enthousiasme : la rencontre du capitaine irlandais Dillon, qui venait de retrouver les traces de La Pérouse et profitait du crédit que lui avait valu cet exploit pour chercher à satisfaire en France une hostilité aux origines assez mystérieuses contre les Anglais et les missionnaires protestants, ses patrons de la veille, paru t lui révéler sa voie et il fut l'un des premiers sans doute à rêver de cette œuvre des Missions du Pacifique, par laquelle la France du XIXe siècle a préludé à sa grande renaissance coloniale. Ce rêve fut même un instant sur le point de prendre corps, et Mgr de Solages, nommé par Rome à la Préfecture des Mers du Sud, en même temps que Dillon recevait du gouvernement français un titre de consul aux Fiji. s'apprêtait à s'embarquer sur la Dordogne, mise à sa disposition, paraissant même assez peu se soucier de son Ile Bourbon, où sa présence était cependani réclamée par des nécessités urgentes.

Mais les officiels et les bureaux s'accommodèrent mal de ces grands projets : la Dordoqne fut affectée à l'expédition d'Alger, et Mgr de Solages invité à rejoindre son poste au plus vite ; il y passa quelques mois marqués par des incidents assez pénibles et délaissant une grandeur pour laquelle il n'était point fait, en partit au milieu de 1832 pour se consacrer à la seconde partie de l'œuvre qu'il s'était assignée, à la reprise de l'évangélisation de Madagascar, interrompue depuis deux siècles et à laquelle les progrès des prédicateurs protestants, encouragés par l'Angleterre, forçaient d'accorder une attention toute nouvelle !

L'heure était mal choisie : il tombait en pleine période de réaction anti-étrangère : le métis français Coroller, gouverneur de Tamatave pour la reine Ranavalo, s'empressa de saisir cette occasion de faire sa cour et le réduisit à une impuissance totale ; le malheureux évêque s'imagina qu'il serait plus près de réussir s'il se faisait agréer par la souveraine, et entreprit de gagner la capitale ; il fut arrêté en route, immobilisé par une mauvaise volonté qui épuisa toutes ses ressources et finit par mourir de misère, à Andevorante, le 8 décembre 1832, calomnié même après sa mort par ses inlassables ennemis !

On comprend que l'Église, qui vient de faire rechercher, et de retrouver les restes de Mgr de Solages et qui songe à le placer sur ses autels, honore de la sorte la mémoire de cel homme, qui fut son pionnier sur la terre de Madagascar ; mais tout en rendant à son courage et à ses souffrances les hommages qu'il mérite, il nous faut bien convenir que cette lamentable histoire comporte aussi des leçons d'ordre pratique ; il en est une qui domine toutes les autres, qui est qu e dans les entreprises humaines, même les plus saintes, il faut faire une place à des vertus humaines, dont la prudence n'est pas la moins indispensable !

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