Tahiti 1834-1984 - Envoi

 

Envoi missionnaire

[pp.513-515]

 

« Il n'y aura jamais d'après-mission. Nous serons toujours en état de mission », vient d'écrire Mgr Michel Coppenrath. Cela éclaire la conclusion de la recherche demandée en avril 1980 et qui a pris deux ans et demi ; elle lui donne la coloration d'un envoi missionnaire. Les nouveaux défis analysés précédemment, la métamorphose rapide de la société polynésienne ainsi que les interrogations sans cesse renouvelées d'un monde en crise de civilisation amènent des dimensions toujours nouvelles et imprévues à l'annonce de l'Évangile en Église. Les chrétiens ont ainsi à vivre l'attitude que l'Apôtre Paul décrivait pour lui-même : « Oubliant le chemin parcouru et tout tendu en avant, je m'élance vers le but, en vue du prix attaché à l'appel d'en-haut que Dieu nous adresse en Jésus-Christ ».[1]

Comme dans le bouillonnement de Corinthe il ya 2000 ans, ce sont toujours les petits, les faibles, ceux qui n'ont ni notoriété ni pouvoir que « Dieu choisit pour confondre les forts ». Ce paradoxe évangélique et missionnaire nous l'avons vu se réaliser durant ces 150 années de Mission Catholique en Polynésie. Ce n'est pas manquer de respect aux missionnaires des Sacrés-Cœurs que de constater leur faiblesse humaine pour une telle entreprise. Eux-mêmes l'ont souvent constaté. La puissance de Jésus ressuscité se manifeste à travers la pauvreté des envoyés ; c'est, en Polynésie, l'actualisation d'une évangélisation paulinienne. Il en sera de même aujourd'hui et demain. Ce ne sont pas les hommes qui sauvent le monde. Jésus est le seul Messie-Sauveur ; mais chacun est invité à « compléter ce qui manque à la passion du Christ pour son Corps qui est l'Église » par son engagement chrétien personnel. Les terribles cyclones rendent cela très concret.

Le Jubilé du 150e anniversaire de l'arrivée des missionnaires catholiques à Mangareva le 7 août 1834, préparé depuis trois ans, va, de façon inattendue et providentielle, se trouver en couronnement du Jubilé de la Rédemption annoncé par le Pape Jean-Paul II. Loin de se faire concurrence et dans l'épanouissement du fort courant de renouveau spirituel qui s'est manifesté en octobre 1982, c'est à un nouvel élan missionnaire que les catholiques polynésiens sont invités. Il prend sa source dans la conversion personnelle par la découverte vitale de l'amour de Dieu, manifesté en Jésus et répandu dans nos cœurs par l'Esprit. Il se réalise au niveau des familles et des communautés. Il est révélateur des appels de Dieu dans l'éveil et le soutien des diverses vocations chrétiennes. Cet élan missionnaire nouveau, comme le premier il y a 150 ans, prend sa source dans l'Eucharistie, mémorial agissant de Jésus mort et ressuscité pour tous les hommes. En elle et par la puissance de l'Esprit, la petitesse des îles et la faiblesse des hommes deviennent « force de la foi »[2]. Le rassemblement eucharistique construit l'Église comme Corps du Christ ; la Messe a une dimension d'ouverture universelle et œcuménique.

Sans doute ce livre du Jubilé de la Mission catholique ne répond-il pas à toutes les attentes des uns et des autres. Peut-être a-t-il un peu trop un aspect pédagogique et une certaine lourdeur documentaire scientifique. Les omissions sont inévitables devant une littérature de 15 000 titres publiés et plus de 60 000 pages de documents manuscrits consacrés à Tahiti et aux archipels polynésiens. On a essayé d'éviter de reprendre ce qui avait déjà été bien édité et était connu, comme, par exemple, l'histoire des écoles des sœurs de Saint-Joseph de Cluny et celle des Frères de Ploërmel. Selon la demande initiale, les événements ont été situés le plus précisément et clairement possible ; d'où l'importance des annexes assez techniques et les nombreux renvois aux documents référencés. C'est aussi et surtout une sorte de « révision apostolique » s'efforçant de comprendre les valeurs engagées, les motivations en cause et les projets des acteurs, en vue de situer l'avenir de la mission dans un élan de renouveau spirituel. Espérons avoir fourni aux divers polynésiens et à ceux qui s'intéressent à la vie chrétienne à Tahiti un outil de travail personnel et communautaire clair et honnête, donnant envie d'approfondir les questions soulevées et permettant à chacun d'être toujours plus témoin de l'Évangile par une profonde vie chrétienne en Église.

Ces quelques phrases de l'Apôtre Paul aux Thessaloniciens nous semblent bien récapituler l'activité des missionnaires qui nous ont précédé et ouvrir une belle perspective apostolique à tous ceux et celles qui désirent marcher à leur suite pour construire l'Église localisée en Polynésie. « Ce n'est pas en vain que vous nous avez accueilli. Alors que nous venions de souffrir et d'être insultés... nous avons trouvé en notre Dieu l'assurance qu'il fallait pour vous prêcher son Évangile à travers bien des luttes. C'est que notre prédication ne repose pas sur l'erreur, elle ne s'inspire pas de motifs impurs, elle n'a pas recours à la ruse. Mais Dieu nous ayant éprouvés pour nous confier l'Évangile, nous prêchons en conséquence; nous ne cherchons pas à plaire aux hommes, mais à Dieu qui éprouve nos cœurs. Jamais nous n'avons eu de paroles flatteuses, jamais d'arrière-pensée de profit, jamais nous n'avons recherché d'honneurs auprès des hommes... Nous avions pour vous une telle affection que nous étions prêts à vous donner non seulement l'Évangile de Dieu, mais même notre propre vie, tant vous nous étiez devenus chers. Vous vous rappelez, frères, nos peines et nos fatigues ; c'est en travaillant nuit et jour, pour n'être à charge à aucun d'entre vous, que nous vous avons annoncé l'Évangile de Dieu... Traitant chacun de vous comme un père ses enfants, nous vous avons exhortés, encouragés et adjurés de vous conduire d'une manière digne de Dieu qui vous appelle à son royaume et à sa gloire[3]

Paul HODÉE

Achevé à Papeete le 2 février 1983, Présentation du Seigneur « lumière des nations ».



[1] Ph 3,13-14.
[2] 1 P 5,9.
[3] 1 Th 2,1-12.

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