L'œuvre de l'éducation des Mangaréviens est surtout le travail de Urbain de Latour (du 9-5-1835 à 2-8-1868) et de Henry Mayne (du 9-11-1850 au 23-9-1877)[1]. Ces deux universitaires avaient quitté le premier la Lozère, le second, la Touraine, pour se consacrer à l'éducation comme « catéchistes » dans les missions. Dès 1839, Mr. Urbain ouvre le petit collège de Anaotiki sur l'île d'Aukena avec 17 jeunes garçons ; la persévérance est plus difficile pour les filles. Il lance aussi une imprimerie pour avoir le minimum de documents. C'est la qualité du travail de M. Urbain qui décide Henry Mayne à rester à Mangareva au lieu de poursuivre jusqu'à Tahiti. M. Henry déploie toutes ses capacités de grammairien et de latiniste, sans pourtant trop s'illusionner sur la possibilité de former de futurs prêtres[2]. Dans son article déjà cité, E. H. Fromentières écrit, à propos de Mangareva en 1856 : « L'école des garçons est placée sous la direction de deux hommes d'une grande distinction et d'un admirable dévouement, laïques tous les deux... L'un des résultats que les Pères cherchent à atteindre - je suis convaincu qu'ils y réussiront - c'est la création d'un clergé indigène... J'ai vu dans la première division du collège de jeunes bambins cuivrés qui, non seulement parlaient très purement le français, mais qui faisaient des analyses latines et traduisaient passablement des auteurs de cinquième. » (p.85)
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Dès 1839, Monsieur Urbain ouvre le petit collège destiné « à préparer les élèves du sanctuaire » à Anaotiki (île d'Aukena) aux Gambier. En 1851, Monsieur Henry apporte son concours à cette école apostolique. (p.117)
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Ces divers essais montrent l'enracinement des séminaires dans les origines de la mission à Mangareva par la volonté de Mgr Rouchouze et l'aide active de deux universitaires, laïcs missionnaires : Messieurs Urbain et Henry. La persévérance a été évidente pour développer un « clergé indigène », selon l'expression de cette époque des missions. A-t-elle été suffisante ? A-t-elle été adaptée ? Divers témoignages nous permettent d'y réfléchir. (p.117)
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« M. Henry dit que les enfants ici promettent beaucoup... Ils commencent le latin. Les difficultés viendront du côté des mœurs et du caractère... (27 mai 1851). »
En 1860, le P. Nicolas devant tout faire seul, « demandait deux aides, au Supérieur Général. Si je devais être longtemps seul, notre œuvre pourrait se ressentir de ce manque d'aides et tomber faute de monde suffisant ».
M. Henry Mayne qui a consacré sa vie, avec M. Urbain, au service de l'éducation des Mangaréviens, écrit à Mgr Tepano Jaussen en 1851 et en 1864 sur cette espérance de vocations[3].
« Si le tableau (scolaire) n'est pas séduisant, cependant tous les jours je conçois les plus fortes espérances pour l'avenir de ces enfants, tous les jours je me confirme davantage dans l'opinion qu'ils sont aptes à acquérir les connaissances nécessaires à l'état ecclésiastique (14 mai 1851) ».
« Le but que votre Grandeur s'est proposée en fondant cette école, ne me paraît pas impossible à atteindre. De tous les élèves qui étudieront le latin, peu probablement parviendront au sacerdoce ; mais ceux qui resteront en deçà de ce but que nous devons viser, pourront faire des instituteurs ou d'excellents catéchistes... (30 mai 1851) ».
« Je suis extrêmement satisfait de la conduite de mes petits écoliers... Maintenant y a-t-il chez eux l'étoffe pour faire des prêtres ? Je n'oserais l'affirmer et même je n'ose guère l'espérer ; l'avenir en décidera... (1864). » Nous savons la réponse. (119)
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« Ces catéchistes avaient eu deux prédécesseurs célèbres : M. Urbain de Latour de Clamouze, « frère donné des Sacrés-Cœurs » arrivé pour l'éducation des enfants avec Mgr Rouchouze le 9 mai 1835 aux Gambier où il meurt le 2 août 1868. M. Henry Mayne, « aide-missionnaire », le rejoint à Aukena le 9 novembre 1850 ; il meurt le 23 septembre 1877. La qualité de ces deux missionnaires laïcs, universitaires, n'a pas peu contribué à faire prendre conscience du rôle important que les catéchistes seraient appelés à jouer dans l'histoire de la mission catholique. Depuis, comme nous le verrons dans la dernière partie, bien d'autres laïcs missionnaires et catéchistes prendront une part active dans l'évangélisation. » (p.122)
[1] Voir Ar.SS.CC. 70,2 - H. LAVAL : Mémoires, pp.177 ss. - O'REILLY : Tahitiens.
[2] M. HENRY à Mgr JAUSSEN (14-5-1851 ; 30-5-1851 ; 1864). Ar.SS.CC. 64, 1.
[3] H. MAYNE à Mgr JAUSSEN (14-5-1851 ; 30-5-1851 ; 1864 [?]), Ar. SS.CC. 64,1.