1968 - R.P. Honoré LAVAL (1)

1968 – Mémoires du R.P. Honoré LAVAL – p.277 – note 2

Ce fut pendant que j’étais aux Paumotus à prêcher les Mormons, à supporter leurs injures et à faire marcher bien doucement la mission de ces arides îlôts, qu’à Mangareva arrivait le navire de guerre la Capricieuse, ayant à son bord M. Henry2, ex-professeur émérite de l’Université, qui avait eu dessein d’aller à Tahiti près de Mgr d’Axiéri. Mr Henry était alors dans la fleur de son âge. Frappé du savoir des élèves qu’avait rassemblés Mgr l’évêque lui-même, pendant les trois mois de séjour à gambier, et qu’il avait laissé en partant pour Tahiti, entre les mains du Père Nicolas, très aimés des enfants et de M. de La Tour, le nouvel arrivé, M. Henry, édifié d’ailleurs de la belle tenue de la mission, de sa piété, de sa naïveté et de ses bonnes mœurs, résolut de ne pas continuer son voyage pour la nouvelle Cythère de Bougainville et demanda à rester aux Gambiers, pour y enseigner dans le collège, puisque tel était son but, l’enseignement.
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2 Ce nouveau venu, originaire de Lorgues, dans le Var, se nommait Henry Mayne. Il ne signait jamais ses lettres que de son prénom, faisant parfois suivre sa signature de la mention : « Ancien professeur de l’Université […] ans, ermite aux îles Gambier. » Il n’était pas membre de la Congrégation des Sacrés Cœurs ; la mission le regardait comme un catéchiste volontaire, et se considérait comme étant tenu de subvenir à son entretien. « Depuis 20 ans que j’habite Mangareva, Mgr d’Axiéri n’a cessé de m’envoyer annuellement au-delà de ce qui m’était nécessaire pour m’habiller, me nourrir, pour me guérir ou me soulager au milieu de mes infirmités. » (lettre de 1871). Il enseignera, s’occupera des écoles. C’est un poète à ses heures. Laval a copié quelques-unes de ses poésies en 1877, dans un cahier de 45 pages non numérotés : Poésies de M. J. E. Henry, ex-professeur de l’Université. Copié par un septuagénaire, 1877 (Arch. Picpus, 64,4. Ce dossier réunit tous les documents concernant Henry personnellement). Le même dossier comporte un Petit traité philosophique et religieux pour les gens du monde, ou considérations d’un solitaire en Océanie orientale. Henry ets une âme mystique et sensible. Dans une curieuse lettre de mars 1875 il confesse : « Dieu… m’a fait cette grâce de me donner un peu d’intelligence de ses œuvres. La nature est le grand livre où je lis… à chaque instant la puissnace, l’intelligence, et la bonté infinie du Créateur. Le moindre des inscetes est pour moi une merveilleuse machine qui me fait admirer le céleste mécanicien ; il m’est arrivé de pleurer d’admiration en contemplant une simple fleur des arbres du rivage… Ces poissons qui nous arrivent chaque année à jour fixe…… Quel est le chef qui réunit en une seule troupe serrée les myriades d’immigrants dispersés avant sur une vaste étendue de la mer ? Quel est la voix qui leur donne le signal du départ le même jour qui avait rassemblé ainsi leurs pères et leurs mères l’année précédente ? Quelle est la boussole qui les conduit dans ces routes inconnues de l’Océan ? Entrés dans notre archipel, quel est le pilote qui les mène et leur fait faire halte sur ces mêmes coraux où ils ont pris naissance l’année précédente ? » Tout cela écrit de la belle et noble écriture d’un esprit distingué. Il y avait du reste en même temps chez Henry des qualités pratiques. En 1869 il reçoit un certain Martin, capitaine de l’Oiziai ( ?) 7 578 F en marchandises qu’ild doit rendre ne nacres à la prochaine saison de pêche. Sa fin d’existence fut rendue pénible par une vue très faible et des douleurs. En même temps que du « bleu à linge, des assiettes, des clous et des allumettes » il réclame en 1871 à Mgr Jaussen « du Pain killer, ou Baume du Commandeur ». Un peu plus tard il serait désireux d’obtenir « d’eau ophtalmique de Loche, chez Lettelier, pharmacien, 40 rue Quincampoix à Paris, prix 4 F ou, à défaut de l’Eau Céleste, qu’on doit trouver à Valparaiso ». On le trouvera mort dans son lit à Aukena le 23 septambre 1877. Les archives locales parle de la « sépulture d’un français nommé Émile Henry ». « Il regardait Rosalie comme sa fille adoptive et lui donna tout ce qu’il avait à lui » écrira le 8 octobre 1877 le P. Blanc qui l’enterra. « Il sentait la mort venir et ne se nourrissait plus que d’oranges ». On trouvera signé de J. L. Henry un petit article sur les « Iles de Mangareva et d’Aukena dans l’archipel Gambier » dans le Revue de l’Orient, 1853, pp. 164-179. Il y donne ses impressions d’arrivant.

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