1992 - Cor RADEMEKER

Biographie

1992 – Appelés à servir par le R.P. Cor Rademaker, ss.cc.

FRERE EUGENE EYRAUD (1820-1868)

Apôtre de l'île de Pâques

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Un des plus merveilleux épisodes de notre histoire missionnaire est bien l'évangélisation de Rapa Nui, découvert le jour de Pâques 1722 par l'amiral hollandais Roggeveen, premier européen à visiter l'Île de Pâques. La Congrégation des Sacrés-Cœurs (Picpus) décida d'y envoyer des missionnaires en 1863. L'un d'entre eux fut le Frère Eugène Eyraud, que nous pouvons appeler, sans crainte d'exagération, l'Apôtre de l'Île de Pâques.

Eugène naquit le 5 février 1820 à Saint Bonnet, un petit village de la vallée du Champsaur, dans les Alpes Françaises. L'école terminée, il alla à Blois, chez son frère aîné, Joseph, pour y apprendre un métier. Il devint un ajusteur et un serrurier très adroit.

Eugène rejoint l'Amérique du Sud pour travailler

Un beau jour, un fabricant de Buenos Aires lui demanda de l'accompagner en Argentine, pour y occuper un poste important dans son entreprise. Eugène accepta l'invitation. Arrivé en Argentine, il découvrit que la guerre avait anéanti tous ses projets. Gagnant difficilement sa vie, il se rendit au Chili, où il commença, à Copiapo, une petite entreprise, qui prospéra bientôt.

Lorsque son frère Jean fut ordonné prêtre, en juin 1847 et partait comme missionnaire en Chine, Eugène lui offrit ses services ; mais Jean, ne voyant aucune possibilité d'accepter cette offre, Eugène dut se contenter de poser de solides bases financières, pour l'œuvre missionnaire de son frère. Le désir de devenir lui-même missionnaire ne le quittait pas pour autant.

La vocation religieuse d'Eugène Eyraud

Or, voici ce qui arriva un jour : ce qu'Eugène lui-même raconte en ces termes : « Un jour, j'étais au travail, dans mon atelier, lorsque passèrent deux religieux. J'avais le sentiment que c'étaient des compatriotes et je criai : “Entrez, messieurs, entrez”. À ma grande surprise, ils acceptèrent, et je me trouvai, d'une façon inattendue, devant deux prêtres français de la Congrégation des Sacrés-Cœurs ».

Eugène se lia d'amitié avec les Pères et, en 1862, il entra au noviciat de la Congrégation à Valparaiso. Ce fut tout, sauf un noviciat paisible. Sa mère étant tombée sérieusement malade, Eugène eut la permission de tenir sa promesse et d'aller visiter sa mère. Arrivé en France, il apprit qu'elle était décédée. Eugène resta quelques mois au pays, puis, il repartit pour Valparaiso, afin d'y continuer son noviciat.

La mission « Rapa Nui » : Première période

A ce moment-là, la Congrégation décida d'envoyer quelques Pères à Rapa Nui et Eugène demanda de pouvoir les accompagner. Il reçut à nouveau l'autorisation d'interrompre son noviciat et il partit avec les Pères Montiton et Rigal. Or, diverses rumeurs circulaient au sujet de la situation des habitants de Rapa Nui, rumeurs d'incursions de pirates péruviens, épidémies diverses, etc... Il fut donc décidé que Eugène partirait seul, là-bas, pour y prendre la température. Selon l'état des choses, on verrait plus tard, s'il valait la peine de commencer une mission à Rapa Nui.

Eugène partit donc tout seul pour l'Ile de Pâques, où il débarqua début janvier 1864. Resté seul blanc, au milieu d'indigènes primitifs et pillards, Eugène devait commencer aussitôt à défendre son maigre avoir. L'indigène Torometi considérait le Frère comme son esclave personnel. Un jour, Eugène lui avait prêté une hache, que Torometi employa aussitôt comme arme, pour forcer le missionnaire à lui obéir et lui ravir successivement tout ce qu'il possédait.

D'autre part, Torometi veillait à sa subsistance, de sorte que Eugène se trouvait plus libre pour ses leçons élémentaires de catéchisme. Ces leçons fournissaient une distraction agréable aux habitants de Rapa Nui. Comme ils ne travaillaient guère, ils se trouvaient presque tous les jours, assis devant la cabane du missionnaire et l'obligeaient à en sortir, par une pluie de pierres. Et lorsque le pauvre homme commençait à réciter le catéchisme et les prières, les auditeurs se couchaient pour dormir. S'il rentrait dans sa cabane, une nouvelle pluie de pierres le rappelait à l'extérieur. Quelques enfants réussirent à apprendre un peu de catéchisme et quelques prières chrétiennes. Eugène visitait aussi les malades et baptisait quelques mourants. Il avait même construit une toute petite chapelle, qui, malheureusement s'écroula comme un château de cartes, sous la première forte pluie.

Les indigènes devenaient cependant de plus en plus hostiles envers Eugène. Son « protecteur » Torometi avait d'ailleurs aussi beaucoup d'ennemis, et il commençait à craindre pour sa vie ; aussi partit-il pour un autre village. Mais Torometi et ses amis vinrent l'y rechercher. Comme le Frère se montrait récalcitrant, ils l'emportèrent tout simplement avec eux. Peu de temps après, Torometi fut puni de ses méfaits ; ses compagnons incendièrent sa hutte et le Frère fut dépouillé de tous ses vêtements, de sorte qu'il devait se promener sur l'Ile, drapé dans une couverture. Finalement, Eugène et Torometi décidèrent de s'enfuir. Alors, arriva un bateau avec un confrère du missionnaire. Eugène y monta, porté par Torometi, qui cherchait à s'en débarrasser à tout prix.

La mission « Rapa Nui » : Deuxième période

Et c'est ainsi que Eugène rentra à Valparaiso en octobre 1864, pour y continuer son noviciat. Le 6 mai 1865, Eugène fut admis à la profession et, à la fin l'année, il repartit pour l'Ile de Pâques, avec le Père Hippolyte Roussel. Ils y arrivèrent le 23 mai 1866. L'attitude des indigènes fut de nouveau hostile, au point que les missionnaires se trouvaient assiégés dans leur cabane, comme dans un fortin. Mais peu à peu, les deux missionnaires commencèrent à gagner la confiance des habitants. Eugène commença, avec leur aide, à agrandir le poste de la mission. Il construisit une petite chapelle. Il planta des orangers et aménagea un potager. Pour alimenter en eau sa modeste culture, il chercha et trouva une bonne source. En novembre 1866, deux autres missionnaires vinrent se joindre à eux. À partir de ce moment-là, la mission fit de réels progrès.

Après une sérieuse préparation, tous les habitants de Rapa Nui furent baptisés entre février et la mi-août 1868. Tandis qu'on baptisait les derniers catéchumènes, Eugène Eyraud agonisait sur son lit. Lorsque le Père Gaspard revint près de lui, après la grande cérémonie baptismale du vendredi 14 août et lui eut communiqué qu'il restait à baptiser seulement sept indigènes, qui n'avaient pu venir à la cérémonie, le malade put dire d'une voix faible : « Le désir de ma vie s'est réalisé, maintenant, oui, je puis mourir en paix. »

On pensait que le jour suivant, samedi 15 août, on pourrait le porter sur une chaise jusqu'à la chapelle, pour participer à la messe solennelle de l'Assomption de Marie. Mais à sept heures de ce vendredi soir, le Frère Théodule arriva à la chapelle, où le Père Gaspard administrait le baptême aux derniers néophytes, pour lui dire que le Frère Eugène avait perdu l'usage de la parole. Eugène le reconnut cependant, qui venait près de lui et il reçut les derniers sacrements en pleine connaissance. Pendant la nuit, il tomba dans un état de délire, qui se prolongea durant quatre jours. Le mardi 18, il eut un moment de lucidité, et il en profita, pour demander : « Tous sont-ils baptisés ? » et, à la réponse affirmative, un dernier éclat de joie illumina son visage exténué d'apôtre, dont la vie s'éteignait. Le jour suivant, le mercredi 19 août 1868, à onze heures du soir, le fondateur de la mission de Rapa Nui rendait son âme à Dieu.

La jeune communauté chrétienne, d'environ 1 800 catholiques, semblait promise à un bel avenir. Or, voici qu'en cette même année 1868, un capitaine de vaisseau français vint s'établir à Rapa Nui. Il commença à exploiter le pays et ses habitants. Ceux-ci furent transportés, pour une partie, à Tahiti, où beaucoup vinrent à mourir. Toute la population de l'Île de Pâques vécut sous la terreur du capitaine Bornier. Les missionnaires, qui intervenaient pour leurs fidèles, n'étaient guère ménagés. Il ne restait plus qu'à quitter l'Île. En 1873, le dernier missionnaire partit, avec environ 150 chrétiens, pour Mangareva. Il en restait à peu près autant à Rapa Nui.

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